Le salon d’un grand hôtel d’une ville de Suisse, lors d’un cocktail mondain.

Le « jet set » local  est présent et chacun tente de trouver un sujet intéressant à discuter, un verre à la main.
Conversation de salon

 

Le jeune homme à l’avocat, désireux de se mettre en valeur à l’égard des personnes présentes :

Maître, vous ne semblez pas être schizophrène, alors  comment faites-vous pour défendre un jour un accusé et le lendemain une victime ?

L’avocat, 30 ans de pratique du barreau, sur un ton condescendant:

Question classique …

Vous n’êtes manifestement pas juriste pour poser une telle question, tant la réponse est évidente, en tout cas devrait l’être pour tout avocat respectueux de sa clientèle.

Je vous retourne la question : selon vous, à quoi peut bien servir un avocat ?

Le jeune homme, sûr de lui :

A permettre au client de gagner, à faire triompher sa cause, bien sûr.

L’avocat :

C’est bien ce que je pensais, vous n’y êtes pas du tout, vous n’avez donc jamais eu besoin d’un avocat !

Mon cher, il faut demander pourquoi les clients nous paient. 

Les clients se moquent bien des problèmes des autres et des grandes causes.

Ce qu’ils veulent, c’est que nous leur rendions le service requis, celui pour lequel ils sont venus nous voir et pour lequel ils nous paient – d’ailleurs fort cher.

 Alors je répète, à quoi sert l’avocat ? 

Pour le savoir, il faut déterminer exactement ce que le client veut.

Quelques exemples :

Le client veut obtenir le paiement d’une somme d’argent et le service requis est donc de récupérer de l’argent. Si le débiteur est insolvable, l’avocat consciencieux dissuadera le client d’agir car, dans ce cas, le seul bénéficiaire sera l’avocat lui-même

Le client doit de l’argent, ce qu’il sait, mais il a besoin de temps pour payer car il est en manque de liquidités alors qu’une grosse rentrée est prévue dans 6 mois.

Quel est le service requis ?

Non pas de gagner un procès perdu d’avance, mais de gagner le temps nécessaire pour pouvoir payer.

L’avocat s’emploiera donc à ralentir la procédure, par tous les moyens légaux,

et il rendra le service requis en gagnant le temps nécessaire pour permettre au client de pouvoir payer.

En résumé, mon cher, et j’espère que vous aurez compris, le rôle de l’avocat n’est  pas de faire triompher une cause, mais de défendre les intérêts d’un client, qui va définir ce qu’il veut.

En d’autres termes, l’avocat ne défend pas une cause mais un client.

Vu ainsi et vous en conviendrez, il est facile pour un avocat de défendre le matin un propriétaire contre un locataire, et l’après-midi un autre locataire contre un autre propriétaire, même si à chaque fois le problème juridique est le même

Le jeune homme

Je trouve cela assez cynique.

Vous pouvez donc défendre n’importe qui et n’importe quoi ?

L’avocat :

Voilà une bonne question, vous vous améliorez mon cher.

Non, la limite est celle que fixe l’avocat lui-même au regard de ses convictions personnelles.

N’oubliez pas que le client paie cher pour le service requis et l’avocat se doit donc d’offrir un service de qualité.

Si les convictions de l’avocat sont telles qu’elles l’empêchent de bien défendre son client, il doit refuser le mandat car il ne sera pas en mesure de bien exécuter le service requis. 

Illustration : je doute qu’un avocat ayant des idées très à gauche soit en mesure de défendre efficacement les intérêts d’un militant d’extrême droite ayant commis des déprédations lors d’une manifestation politique, même si la problématique juridique est somme toute assez simple

Voilà, toutes ces explications m’ont donné soif, alors santé !

 

Fin de la conversation